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Le Grand Prix de l’A.C.F. – La Vie Automobile – 25 July 1921

Again, Charles Faroux has written reports in La Vie Automobile, on the 1921 French Grand Prix at la Sarthe road course. Briefly, the history of the pre-war race courses from 1904 on till 1914 is described. Then, the coming Grand Prix is described in terms of starting list, the course itself, as well as technical characteristics of some important cars of the race. The report closes with some general considerations and a prognosis.

Texte et photos avec l’autorisation aimable du Conservatoire numérique des Arts et Métiers (Cnum) http://cnum.cnam.fr
compilé par motorracinghistory.com

— LA VIE AUTOMOBILE — 17e Année.  N° 734. 25 Juillet 1921

Le Grand Prix de l’ACF.

LE GRAND PRIX DES MOTOCYCLETTES

   Quand la Commission Sportive de l’Automobile-Club de France décida, l’an dernier, d’organiser un Grand-Prix pour 1921, cette décision fut accueillie par un enthousiasme général. A ce moment, on pouvait espérer réunir un nombre considérable d’engagements.
   Cependant, le lot qui s’aligne aujourd’hui pour disputer le glorieux trophée sur les routes du circuit manceau, est un des plus réduits — sinon le plus réduit — qu’on ait jamais vu dans une épreuve de telle envergure.
   Pourquoi ?
   On en peut donner des raisons accessoires : règlement primitif trop sévère, a-t-on dit…, droits d’engagement trop élevés… ; le vrai est que l’industrie automobile française n’est pas très heureuse, du fait de circonstances qu’elle subit sans les avoir déterminées et que la participation au Grand-Prix nécessite, pour une maison qui veut y défendre régulièrement sa chance, un débours de plusieurs centaines de milliers de francs.
   J’ai dit tout à l’heure que le règlement primitif était sévère.
   En effet, il avait d’abord été question de faire passer au banc tous les moteurs concurrents (d’une cylindrée maximum de 3 litres, rappelons-le) et de leur imposer en dehors d’un essai à pleine charge la détermination de deux points de la caractéristique : au moins 30 chevaux à 1.000 tours, au moins 90 à 3.000 tours.
   Ces conditions sont aisément remplies par tous les concurrents. (Mathis à part, parce qu’il court avec un moteur de 1.500 cent-cubes) mais la difficulté n’est pas venue de là. Les constructeurs engagés demandaient qui allait faire passer leurs moteurs au banc.
   La Commission Sportive, bien entendu et au laboratoire de l’A.C.F.
   Or, d’une part, la Commission Sportive comprend de nombreux constructeurs qui ne disputent pas le Grand-Prix, et ceux qui voulaient courir m’ont dit eux-mêmes leur répugnance à montrer ainsi publiquement certains détails d’exécution de leurs moteurs qu’ils veulent garder secrets, estimant qu’ils leur assurent une certaine avance mécanique.
   D’un autre côté, on savait le laboratoire de l’A.C.F. mal outillé et on se souvenait que le concours de moteurs d’aviation de 1914 avait donné lieu à une erreur énorme, signalée pour la première fois, dès la publication des résultats, dans les colonnes de La Vie Automobile.
   Comme il y avait de la résistance, malgré que le règlement fût excellent en soi et remarquablement étudié, la Commission Sportive, désireuse avant tout d’avoir le Grand-Prix 1921, agit sagement en décidant que le règlement serait celui-là même que j’avais fixé avant-guerre et que j’avais été assez heureux pour faire adopter aux Américains en 1920, après de longs échanges de lettres.
   Ainsi pouvait-on espérer avoir au Mans des concurrents Américains, ce qui n’a pas manqué, puisque le meilleur d’entre eux, Duesenberg, a traversé la mare aux harengs.
* * *
   Avant d’aborder l’historique de cette belle et grande épreuve classique que constitue le Grand-Prix de l’A.C.F., j’estime qu’il faut rendre un public hommage à l’Automobile-Club de l’Ouest, ce puissant groupement, le plus puissant des clubs régionaux qui, par sa ténacité, son initiative, a réussi à s’assurer le Grand-Prix.
   Et pourtant, quels concurrents avait-il ? Strasbourg et Lyon.
   Strasbourg se présentait avec toutes les raisons de sentiment qu’on devine. Lyon offrait de grands avantages et je m’entends encore dire l’an dernier à Georges Durand, dont le nom comme l’action sont inséparables de l’histoire de l’A.C.O. :
   — Vous n’avez aucune chance. On ira sûrement à Strasbourg, et si quelque chose accrochait en Alsace, Lyon en bénéficierait avant vous, et j’entends encore Durand me répondre :
   Laissez ! Laissez faire ! J’ai ma chance, plus que vous ne croyez.
   Et il nous l’a bien montré.
   Raison de plus pour féliciter l’A.C.O. D’ailleurs, du pur point de vue automobile, aucune région n’était mieux indiquée que celle du Mans, tant le Club de là-bas a fait et fait toujours de grandes choses, dont bénéficie toute l’industrie française.

L’HISTORIQUE DE L’ÉPREUVE
Lorsque, en 1903, les pouvoirs publics s’opposèrent aux épreuves de vitesse sur routes non gardées, on dut adopter l’idée de la course sur un circuit étroitement surveillé. La Coupe Gordon-Bennett devenait ainsi, par la force des choses, le plus gros événement automobile de l’année.
   Or, son règlement n’accordait à chaque nation, sans faire entrer en ligne de compte son importance industrielle, que le droit de se faire représenter par trois voitures.
   La France se lassa vite d’une lutte dans laquelle elle avait tout à perdre, rien à gagner ; il convenait que chaque nation possédât une chance de vaincre proportionnelle à son enjeu.
En 1904
   Notre victoire au Taunus, en 1904, par laquelle Théry, sur voiture Richard-Brasier, ramena la Coupe G.-B. en France, nous permit de formuler ces revendications.
L’A.C F. proposa d’admettre, dorénavant, trois voitures par usine, ce qui assurait automatiquement la représentation proportionnelle.
En 1905
   Pour 1905 on garderait le régime de la Coupe Gordon-Bennett ; en revanche, les grands clubs étrangers prirent l’engagement d’apporter, pour les années suivantes, des modifications au règlement de la Coupe Gordon-Bennett. Toutefois, l’Automobile-Club de France déclara que, quel que fût le résultat de la course de 1905, il organiserait pour 1906 une grande épreuve de vitesse, dans laquelle on adopterait le principe de la représentation des usines.
   Ce beau geste fut récompensé, et la victoire de Théry eut un retentissement mondial.
En 1906
   Le Grand-Prix de 1906 fut organisé dans les conditions qu’avait spécifiées l’A.C.F. Disputé sur le circuit de la Sarthe, en deux journées successives et sur un parcours total de 1228 kilomètres, il avait réuni trente-quatre voitures, représentant dix marques françaises, deux italiennes et une Allemande.
   On sait comment Renault triompha d’un lot redoutable : la rapide voiture de Szisz couvrant l’entière distance en une moyenne de plus de 101 kilomètres à l’heure. Nazzaro, sur Fiat, était second, à quelques secondes devant le regretté Albert Clément, qui pilotait une Clément-Bayard.
   Le fait saillant de la journée avait été l’apparition en course de la jante amovible créée par Michelin.

En 1907
   Le deuxième Grand-Prix de l’A.C.F. fut disputé sur le circuit de Dieppe. Ce fut, dès le début, un terrible duel engagé entre la Lorraine-Diétrich de Duray et la Fiat de Lancia. Après une lutte serrée, Duray prit la tête, galopant sur tout le lot, et apparut à 150 kilomètres du poteau comme le vainqueur assuré de la belle épreuve. On sait comment fut immobilisée la superbe bête d’acier sortie des usines Diétrich, par la rupture d’un roulement à billes de la boîte de vitesse.
   Nazzaro passa alors en tête, et sa Fiat se manifestait d’autant plus rapide que s’allongeait la distance. Un retour foudroyant mais un peu tardif de Szisz sur sa Renault, ne pouvait l’amener qu’à six minutes du vainqueur, laissant à Fiat un bénéfice gros de conséquences.
En 1908
   Deux épreuves furent disputées en 1908. Le Grand-Prix des voiturettes fut pour le constructeur Delage l’occasion d’une belle victoire ; l’inflexible, l’inexorable régularité de sa petite voiture, pilotée par Guyot, eurent raison des adversaires les plus valeureux et les plus redoutables. Quant à la moyenne de Guyot, qui dépassait 80 kilomètres à l’heure avec un simple moteur monocylindrique de 100 d’alésage et 160 de course, donc parfaitement normal, elle causa chez tous les spectateurs une stupeur admirative et sympathique.
   En ce qui concerne le Grand-Prix des grosses voitures, pour lesquelles le moteur à quatre cylindres devait avoir uniformément 155 millimètres d’alésage, il fut pour le clan allemand l’occasion d’une splendide victoire. Lautenschlager, sur Mercédès, fut le brillant vainqueur ; il était suivi de deux Benz et d’une autre Mercédès… L’honneur du pavillon français fut sauvé par les Clément-Bayard, qui étaient incontestablement les voitures les plus rapides du lot, et qui furent peut-être victimes de leur vitesse même, le taux de 175 kilomètre-heure paraissant excessif au point de vue des pneumatiques de l’époque. Sur une Clément-Bayard, Rigal, qui termina premier des Français, devait battre officieusement le record du tour à plus de 135 de moyenne. On eut à déplorer la mort tragique de l’excellent Cissac, qui se tua alors qu’il accomplissait son dernier tour de circuit.
En 1909-1910-1911
   Ce Grand-Prix de 1908 sembla, un temps, devoir marquer la fin des grandes épreuves de vitesse.
   Ce fut le grand honneur de l’Auto que d’assurer la persistance d’une épreuve annuelle, en dépit des résistances rencontrées ; les trois courses disputées à Boulogne, le succès formidable remporté par le Grand-Prix des voitures légères achevèrent le triomphe d’une cause si parfaitement juste…
En 1912
   Très sagement, les dirigeants du sport automobile reconnurent la nécessité d’organiser un Grand-Prix de 1912 en l’ouvrant à deux catégories de voitures ; les premières n’avaient à respecter aucune limitation de puissance ni de poids (formule libre); les secondes devaient être munies d’un moteur dont la cylindrée n’excédât pas trois litres.
   La formule libre ne connut qu’un succès tout relatif, mais la Coupe du journal l’Auto — titre de l’épreuve réservée aux trois litres — connut un succès formidable, réunissant quarante-quatre inscriptions.
   Après un duel palpitant, toute la première journée, entre Fiat et Peugeot, cette dernière marque, avec l’audacieux Boillot au volant, s’assura une splendide victoire dont le retentissement fut considérable à travers les deux mondes. Boillot couvrait 1540 kilomètres du parcours en moins de 14 heures, exactement 13 heures 58 m. 5 s. 3/5, soit à plus de 110 de moyenne générale.
   En trois litres, les voitures anglaises Sunbeam triomphaient magnifiquement, prenant les trois premières places : la première avec Rigal, la seconde avec Resta, la troisième avec Médinger.
En 1913
   L’année suivante, on courut à la consommation. 20 litres d’essence aux 100 kilomètres avaient été accordés. Règlement excellent en principe, et qui fut une fois de plus abandonné un peu trop vite.
   L’épreuve fut disputée à Amiens sur 29 tours d’un circuit de 31 k. 600. Vingt concurrents y participèrent, les deux chefs de file français étant Peugeot, bien entendu, et Delage qui abordait pour la première fois en course l’établissement d’une grosse voiture.
   Ce que fut l’épreuve, on s’en souvient encore, et l’empoignade entre nos deux représentants est présente à la mémoire de tous. Roue dans roue, la Delage de Guyot et les deux Peugeot de Boillot et de Goux se suivirent pendant la moitié de la course. Un incident malheureux, le mécanicien de Guyot étant blessé, vint d’un seul coup réduire à néant les espoirs de Delage en faisant perdre vingt minutes à son champion.
   Dès lors, la première place était acquise. Boillot prenait la tête et la gardait jusqu’à l’arrivée, effectuant les 916 kil. 800 du parcours à la moyenne de 116 kil. 190 à l’heure. Peugeot complétait son succès en prenant également la seconde place, Goux terminant à moins de trois minutes de son co-équipier. La Sunbeam de Chassagne finissait à douze minutes du vainqueur, suivie par les deux Delage de Bablot et Guyot.
En 1914
   Et nous arrivons ainsi à la fameuse épreuve de 1914, dont les moindres incidents sont encore présents à la mémoire de tous. Rappelons brièvement cette lutte homérique : Le règlement, on s’en souvient, était à la cylindrée maximum de 4 lit. 500.
   Tout de suite c’est l’empoignade prévue de Peugeot et Mercédès. A la surprise générale, le débutant Seiler fait le meilleur temps, suivi de près par Boillot. Duray sur sa Delage, qui a conduit magnifiquement, les serre de près, talonné à son tour par Resta sur Sunbeam et Goux sur Peugeot. Cet ordre ne subira pas de sensibles modifications durant plusieurs tours, qui ne nous amènent à noter qu’une amélioration, lente mais sûre du classement du Lautenschlager.
   Au cinquième tour Boillot qui a pris des antidérapants et qui chasse dans les virages, s’arrête pour monter deux lisses. De suite, sa marche s’améliore ; il fait même un tour, départ arrêté, en moins de 20 minutes. Le tour suivant, Boillot est au commandement et la distance se creuse entre Boillot et ses suivants immédiats. En dépit de plusieurs arrêts aux tribunes, Boillot porte son avance sur Lautenschlager à près de trois minutes, quand, subitement, à partir de quinzième tour, l’avance de Boillot diminue peu à peu. Ce n’est point Lautenschlager qui a accéléré, mais bien Boillot qui a ralenti.
   Que s’est-il donc passé ?
   Nous le soupçonnons, mais nous ne connaîtrons la vérité qu’après l’épreuve : la commande de frein a cassé et Boillot est désarmé quant aux arrêts rapides.
   Et, dès lors c’est la marche inexorable, impitoyable des Mercédès. Au dernier tour Boillot a, quand même, tout risqué et fait tout ce qui était humainement possible. A ce moment, son devoir était de marcher à « tombeau ouvert ». Ce garçon au cœur vaillant, l’a parfaitement compris, mais il est arrivé ce qui devait arriver, et Boillot a connu cette amertume de devoir abandonner au cours du dernier tour.
   Disons-le bien vite : en tout état de cause, c’était une lutte féroce : Peugeot-Mercédès. Les voitures se valaient et ne pouvaient pas se prendre grand-chose sur un tour ; cependant, une dernière constatation doit, en toute impartialité, être faite : Lautenschlager s’arrête une fois aux tribunes, au dixième tour, pour le ravitaillement — et s’arrête 3 minutes 15 secondes ! Boillot six fois en tout avec durée totale d’arrêts de 5 minutes 49 secondes, mais il a eu également 5 arrêts pour bandages en pleine route.
   Au total, Boillot a perdu une vingtaine de minutes.
   Pourquoi ?
   Boillot, comme Goux, était parti sur antidérapants. Tous deux arrêtèrent quelques secondes pour demander qu’on leur préparât des lisses au tour suivant, mais ils n’avaient que du 120 alors que leurs concurrents avaient des 135. Sur ces routes caillouteuses, ravinées, le petit bandage était lourdement handicapé.
   Jamais peut-être, dans l’intérêt du sport automobile, défaite ne fut plus malheureuse et moins exacte que celle de Peugeot. Depuis, durant la guerre, les deux voitures se sont fréquemment rencontrées en Amérique. Peugeot a toujours gagné, sauf une fois où son homme, Resta, étant en tête au dernier tour, capota et laissa à Mercédès la victoire.

LA RENAISSANCE DU GRAND-PRIX
   Puis ce fut la grande tourmente et jusqu’au lendemain de l’armistice, nos constructeurs se consacrèrent exclusivement à l’œuvre de guerre.
   En 1920 le moment paraissait prématuré, mais très sagement, l’A. C. F. annonçait la mise sur pied du Grand-Prix 1921. Dans la course aux circuits, l’Automobile-Club de l’ouest de la France arriva bon premier.
   En matière de réglementation, il n’y avait plus guère à choisir : il fallait adopter le règlement d’Indianapolis, et il se trouvait que précisément, après une longue correspondance avec les dirigeants américains, j’avais dès 1919 réussi à leur faire adopter le règlement qui était, avant la guerre, en vigueur pour la coupe des voitures légères de Y Auto, trois litres de cylindrée maximum et 800 kilos de poids minimum.
   A peine ouverte la liste des engagements, le spécialiste français du moteur, Ballot, toujours combatif, engageait 4 voitures : puis, en fin d’année arrivaient à la commission sportive les engagements de 2 Talbot, 3 Talbot-Darracq, 2 Sunbeam, 1 Mathis et 4 Duesenberg. Fiat était également engagé, mais ne prendra pas le départ, n’ayant pu être prêt à temps.

Les départs
   Après tirage au sort, les départs seront donnés dans l’ordre suivant :
1. Ballot (de Palma).
2. Sunbeam (Thomas).
3. Mathis (Lamm).
4. Talbot (Seagraves).
5. Talbot-Darracq (André Boillot).
6. Duesenberg (A. Guyot).
7. Ballot (Chassagne).
8. Sunbeam (Lee Guinness).
9. Talbot (Zborowski).
10. Talbot-Darracq (Thomas).
11. Duesenberg (Joë Boyer).
12. Ballot (Wagner).
13. Talbot-Darracq (Dubonnet).
14. Duesenberg (Murphy).
15. Ballot (Goux).
16. Duesenberg (X…).
   Les départs seront donnés à deux voitures ensemble, de 30 en 30 secondes, à partir de 9 heures du matin.
Le parcours
   Le parcours du Grand-Prix comporte 30 tours d’un circuit de 17 kil. 262 soit une distance totale de 517 kil. 860.

LES VOITURES
   Ballot. — Moteur 8-cylindres en ligne de 65X112, quatre soupapes par cylindre, distribution par en-dessus :  
La voiture a fait ses preuves ; on a pu constater à Indianapolis qu’elle était la plus rapide : la puissance motrice doit être de 105 à 108 chevaux vers 3.500 tours-minute, mais nous sommes ici réduits à des suppositions, le constructeur ayant gardé tous ses essais soigneusement secrets.
   L’allumage est assuré par deux magnétos Scintilla, un appareil qui m’avait beaucoup frappé au dernier Salon de Bruxelles.
   Le bruit court que pour la commande des freins avant, du système Perrot, les voitures Ballot auraient été équipées d’un servo-frein basé sur un principe analogue à celui de Birkigt, mais avec mâchoire extérieure au lieu de ruban intérieur.
   Talbot-Darracq-Sunbeam. — Les sept voitures du consortium sont identiques.
   Châssis extrêmement surbaissé : roues avant avec un léger carrossage ; roues arrière dans des plans parallèles.
   Le moteur est également un 8-cylindres 65X112, avec, par cylindre, 2 soupapes d’admission et 2 d’échappement, celles d’admission ayant un diamètre légèrement supérieur, vilebrequin à portées lisses, la moitié avant décalée de 90° sur la moitié arrière, comme c’est d’ailleurs le cas général.
   Cylindres en aluminium, chemises d’acier, sièges de soupapes en bronze. On retrouve ici des dispositions souvent appliquées sur les Sunbeam d’aviation.
   L’allumage est prévu, soit avec deux magnétos, soit avec le Delco. Radiateur, tôlerie, tuyauterie de Moreux.
   Pas de volant au moteur ; les contrepoids du vilebrequin équilibré en font office. Carburateurs pas encore désignés.   Toute la voiture a été très étudiée quant à la résistance à l’avancement.
   Pont arrière constitué par deux trompettes forées dans la masse et unies par un carter d’aluminium qui contient le couple conique droit et le différentiel.
   Transmission et réaction au couple par ressorts courts et droits. Deux suspensions Hartford par roue. Arbre à double cardan — bien entendu — cardan à billes sur le pont, dés coulissant à l’arrière de la boîte. Boîte à 4 vitesses traitée dans le mode classique. Embrayage type Hele-Shaw. Essieu avant équipé d’un frein de la classe Isotta-Fraschini, avec commande directe.
   Duesenberg. — Toujours un 8-cylindres en ligne de 63,5/118 avec carburateur Claudel ; il serait à la fois le plus rapide comme régime angulaire (4.000 tours-minute) et le plus puissant. Cependant, on a vu à Indianapolis que les Ballot étaient plus vîtes, ce qui accuse à tout le moins pour les châssis français un meilleur rendement aux jantes des roues motrices.
   Les Duesenberg ont des freins avant, à commande hydraulique, dont la puissance comme l’efficacité sont dit-on extraordinaires. Les spectateurs placés aux divers virages du circuit auront occasion d’en juger.
   La voiture Duesenberg est pleine d’ingénieux détails et nous en donnerons une étude complète, car il est exceptionnel qu’un conducteur consente à communiquer tout ce qui concerne des « racers ».
   Mathis. — Le sympathique constructeur strasbourgeois a surtout voulu faire une démonstration, son moteur étant un simple 4-cylindres de 69X100, c’est-à-dire que Mathis court avec une cylindrée de 1 lit. 500 contre des cylindrées de 3 litres.
   Comme caractéristiques principales : soupapes par en-dessus commandées directement, graissage à double circulation et allumage jumelé, carburateur Solex.
   L’embrayage est du type Mathis à disques multiples et la voiture comporte 4 vitesses. Transmission à double cardan : par suite la poussée et les réactions sont assurées par les ressorts.
   Freinage sur les quatre roues.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
   Une chose frappe avant tout : mettant à part Mathis qui vise surtout une belle démonstration d’ordre commercial, on voit que tous les concurrents ont adopté le 8-cylindres en ligne.
   Pourquoi ? C’est qu’il s’agit avant tout de tourner vite et qu’il importe par conséquent d’alléger les équipages en mouvement.
   Tous les concurrents ont le freinage sur les quatre roues.
   Tous les concurrents ont adopté la distribution par en-dessus.
   C’est — en somme — le triomphe complet, sans réserve, de toutes les thèses défendues depuis tant d’années par La Vie Automobile. On concevra que nous en éprouvions une légitime fierté.
   J’ajoute que tous les concurrents sont également montés sur pneu à tringles, type « Straight Side » contre lequel je me suis élevé. Il y a ici une question de sécurité qui prime tout à 180 à l’heure, car le pneu à tringles ne peut sortir de la jante, même éclaté. Je persiste à penser que le touriste devra toujours préférer notre pneu européen à talons, plus économique et fatiguant moins la voiture. L’avenir prononcera.
   Pour l’allumage, nombreux sont les concurrents qui ont recours au système Delco et je crois qu’un tel système est préférable à la magnéto, quand il s’agit de moteurs à grande vitesse de rotation et mettant en action un grand nombre de cylindres.
   Qu’on veuille bien considérer, en terminant, que le Circuit du Mans mesure 17 kilomètres environ, que le départ sera pris par 16 voitures et qu’ainsi la densité sur l’itinéraire sera la plus forte qu’on ait jamais vue. Supposez une répartition régulière et vous aurez un passage de voitures toutes les demi-minutes en tenant compte des vitesses de circulation.
   Ceci nous promet ainsi l’épreuve la plus émouvante, la plus vivante qu’on ait jamais vue en Europe. Il est peut-être encore prématuré de faire des pronostics sur une vitesse moyenne, mais il convient de considérer que le Circuit du Mans n’est peut-être pas aussi rapide qu’on le penserait au premier abord ; il impose par tour cinq ralentissements et cinq démarrages, trois au sommet du triangle et deux dans la partie sous-bois où se présentent consécutivement deux virages à angle droit. Dans ces conditions, même pour une voiture capable de faire le 180 à l’heure, ce qui est fantastique, n’est-il pas vrai, pour des cylindrées de trois litres, il apparait assez difficile qu’on puisse dépasser une moyenne générale de 120 à 125 kil.-heure.
   Je ne serai cependant pas surpris de voir certains tours effectués en moins de 8 minutes, 7 minutes 40 ou 7,45 par exemple ce qui correspondrait à 135 environ de moyenne et serait tout à fait remarquable.

UN PRONOSTIC
   Si tout se passe régulièrement, je ne crois pas que les Ballot puissent être battues, étant les plus rapides du lot et leur état de préparation ne laissant guère de doute.
   Mais la distance est singulièrement trop faible.
   500 kil. pour de tels engins, c’est d’une part réduire l’épreuve à un véritable « sprint » et c’est, d’autre part, accorder trop d’importance à une crevaison ou à un éclatement.
   Le team Sunbeam-Talbot-Darracq possède également des voitures tout à fait dangereuses et on ne saurait méconnaître le péril américain, car les Duesenberg ont également fait leurs preuves.
   Ce qui est certain, c’est qu’on doit avoir au Mans le Grand-Prix le plus émouvant qu’on ait jamais vu, tant les concurrents sont près les uns des autres.
C. Faroux.

Photos.
Fig. 1. — Le circuit du Grand-Prix.
Fig. 2. — Guyot au volant de la Duesenberg.
Fig. 3. — Tommy Milton sur Frontenac, gagnante du Grand-prix d’Indianapolis.
Fig. 4. — Ralph de Palma au volant de la Ballot.
Fig. 5. — Vue avant de la Talbot-Darracq.      
Fig. 6. — Le Moteur de la Talbot-Darracq.
Fig. 7. — Détails du frein avant de la Talbot-Darracq.